Pour cette fois c’était prévu. Vibeke se devait donc que tout soit parfaitement préparé, parfaitement prévu et surtout sans fausse note. Elle en faisait peut-être un peu trop finalement, Perseus avait visiblement opté pour une certaine détente envers elle. Mais si elle s’était trompé dans sa perception, il pourrait prendre une éventuelle aisance de sa part pour du mépris. Ce qu’elle ne songerait jamais alimenter à son égard. Perseus méritait toute sa considération, son admiration sans doute, au moins en partie. C’était sans la moindre arrière-pensée. Elle ne songerait aucunement à commettre la moindre faute avec ou envers lui. Ce jour-là, après le départ de son époux, Vibeke avait confié les enfants aux soins d’une nourrice dans une partie de l’immense demeure. Elle avait saisi lors de sa dernière visite que Perseus n’était pas forcément à l’aise avec eux et préférait ainsi lui épargner leur présence, même si ils n’étaient pas spécialement embêtants. Il s’était montré compréhensif la dernière fois. Il n’en serait peut-être pas toujours de même. Et il suffisait que la journée ait été longue, délicate ou simplement désagréable pour que la présence des plus jeune puisse lui déplaire. Ce qui était exclu pour elle.
Mais ce n’était pas tout. Si cet été il était arrivé à l’improviste, la trouvant dans une tenue assez décontractée, une robe légère, de petits voiles de tulles, des chaussures ajourées légères, sans être inconvenante ce n’était pas le mieux. Pour ce jour-là elle espérait donc faire mieux. Beaucoup mieux. Elle avait pris le temps de le faire. Vibeke avait donc opté pour une robe très soignée, presque assez classique mais bien coupée pour ne pas sembler basique. Un corsage satiné, un décolleté bien ajusté sans être dans la provocation entouré de dentelle, de longues manches larges qui dévoilaient avec une certaine finesse ses mains fines dans une fente, le bas de la robe d’un tissu fluide et plissé. Si la robe noire restait assez simple, elle espérait par son maquillage et sa prestance que l’ensemble ne serait ni terne ni sans intérêt. Sans vouloir impressionner Perseus, ce dont elle ne se pensait même pas capable, elle voulait éviter d’être commune et oubliable. Marquer ne serait-ce qu’un peu l’esprit de cet homme si intéressant.
Le salon qui accueillerait cette nouvelle entrevue aussi avait été préparé. Un feu de cheminé brûlait pour réchauffer cette autre immense pièce, ridiculement grande elle aussi, et assez étrangement chargée d’objets divers, choisis par le propriétaire des lieux pour impressionner et marquer son aisance financière. Une pendule sculptée avec beaucoup de détails, un vase de cristal très travaillé où trônaient des fleurs séchées, donnant presque un aspect triste à tout l’endroit. Vibeke n’était pas maîtresse de ces décisions. Elle avait simplement fait la demande que tout soit prêt, le parquet ciré, pas le moindre grain de poussière, les boiseries brillantes, de quoi tenter de rendre l’endroit un peu plus gai. Un plateau d’argent posé sur la table portait le service à thé et quelques biscuits, un autre posé sur le buffet avec des verres et quelques bonnes bouteilles au cas où le thé finisse par le lasser. Elle ressentait même une certaine nervosité à l’approche de l’heure, faisant les cent pas dans ce salon jusqu’à ce qu’un elfe ne vienne lui annoncer l’arrivée de Perseus. Elle avait donc remis en place sa robe, ses cheveux qu’elle avait exceptionnellement choisi de laisser libres, et elle était prête. C’est donc bien droite et donnant une impression d’assurance qu’elle avait accueilli son invité, lui accordant tout de même un sourire doux.
-Bonjour Mr Flint, ravie de vous revoir ici.
Lui tendant une main dans un geste convenu, la belle scandinave était sincèrement heureuse de le revoir. Il ne lui fallait tout e même pas trop lui montrer, cela ne serait pas correct. Mais la lueur de ses yeux trahissait légèrement ce sentiment.
-Je vous en prie, installez-vous.
C’était un minimum. Pour commencer. Elle fit de même, laissant un elfe faire son devoir et les servir avant de lui faire signe de sortir, les laissant seuls. Délicieusement seuls. Une forme de nervosité restait bien présente chez elle, faisant un peu battre son coeur. Mais si il avait accepté de venir, c’était sans doute parce qu’il en avait envie lui aussi quelque part. Une visite, cela n’engageait pas à grand chose. Et Isaac avait peut-être raison, Perseus avait peut-être eu envie qu’elle s’intéresse un peu à lui. Elle avait osé cette invitation, elle avait le sentiment de ne plus pouvoir maintenir sa ligne de conduite, ayant presque l’impression d’être en faute rien qu’avec sa lettre.
-J’espère que vous n’avez pas mal pris ma proposition, je sais qu’elle était un peu osée…
Au fond il devait déjà savoir que la récitation de poésie était un prétexte et que c’était bien une conversation que Vibeke avait souhaité entretenir avec lui. Sans réellement savoir ce qu’elle en attendait cela dit. Quelques instants elle en était presque venue à en vouloir à Isaac ce l’avoir ainsi conseillé, ne parvenant pas à trouver assez d’assurance pour réellement mener les choses.